Suite à différents échanges entre créateurs et utilisateurs, même confirmés et aguerris, j’ai pu me rendre compte que certaines croyances étaient encore très fortes et qu’une mise au point ne serait pas inutile afin que chacun comprenne mieux ses droits et devoirs.

Le constat

Il m’est apparu deux grands mythes qui s’opposent frontalement lors de mes échanges et interventions. L’un chez les créateurs et l’autre chez les utilisateurs (qui sont en général à leur tour créateurs de contenu) :

  1. Tout média trouvé sur internet (je détaillerai un peu plus loin) est libre d’être utilisé comme bon me semble.
  2. Tout média (mais on va parler d’image uniquement) est protégé au titre du droit d’auteur et appartient à son créateur.

Je ne suis pas juriste, mais comme la création et l’utilisation de médias sont le cœur de mon travail, il me semble indispensable en tant que graphiste multimédia indépendant de connaître la législation à ce sujet, et elle n’est pas simple. J’ai donc suivi le mooc sur les fondamentaux du droit d’auteur sur FUN-MOOC proposé par l’UPSUD : https://www.fun-mooc.fr/courses/course-v1:UPSUD+42005+session01/about que je conseille particulièrement. Aussi, si un juriste passe par ici, qu’il n’hésite pas à me reprendre si j’ai écrit des approximations.

La première chose à savoir avec la législation sur le droit d’auteur, c’est qu’elle est à la fois stricte et floue. Stricte parce que les articles sont clairs et suffisants, et floue car une grande part de l’application de la loi est laissée à l’appréciation du juge. Il en résulte alors parfois des décisions qui peuvent sembler contradictoires. De nombreux jugements ont également été cassés à cause des arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne qui n’avaient pas été pris en compte par le jugement initial (principalement à cause de la notion de proportionnalité).

Suite à ce préambule, je vais donc débuter par la première croyance qui est la plus évidente à traiter.

Tout média trouvé sur internet est libre d’être utilisé comme bon me semble

Je pensais naïvement qu’avec l’avènement d’internet depuis quelques décennies, et du multimédia en général, et du piratage en particulier, le public était plus sensibilisé aux questions du respect des droits des créateurs. Il semblerait qu’il reste encore un gros travail de pédagogie à faire sur ce point, surtout quand des formateurs eux-mêmes transmettent ce genre d’erreurs.

Voici donc ce que j’ai pu entendre de la part d’un apprenant lors d’une formation :

« Dans la formation qu’on a eue précédemment, le formateur nous a dit qu’on pouvait utiliser les images trouvées sur Google Image à partir du moment où on y apportait une modification. »

Autant dire que j’ai bondi, et encore plus lorsque j’ai ouvert le module de formation qui avait été réalisé.

Donc mettons les choses au clair dès maintenant : sauf mention explicite, aucun média n’est libre d’utilisation. Même dans les banques d’images dites « libres de droit » (qu’elles soient payantes ou non), les images sont soumises au droit d’auteur. Vous avez juste le droit de les utiliser selon les termes du contrat de la plateforme (contre rémunération ou non). Aussi, même sur les plateformes payantes, je vous encourage à bien regarder les types de droits qui vous sont cédés.

Non seulement il n’est pas possible d’utiliser à l’aveugle les images trouvées sur Google Image, mais encore moins de les modifier. L’utilisation viole le droit patrimonial de reproduction et de diffusion, la modification viole le droit moral de l’auteur de ne pas voir son œuvre dénaturée. Notons ici que la notion d’œuvre peut paraître démesurée lorsqu’on parle d’une mascotte par exemple, mais le droit ne reconnaît pas de notion de mérite. C’est à dire que toutes les créations sont égales face au droit, que ce soit un tableau de Picasso ou le gribouillis de Maurice sur un coin de nappe.

Dans le même ordre d’idée, les images postées sur Facebook, Twitter ou Instagram (pour citer les plus connus) restent la propriété de leur créateur. J’ai déjà vu passer des messages de créateurs outrés des conditions d’utilisations à mon avis mal comprises. Si les plateformes demandent la cession des droits de reproduction et de diffusion, c’est justement pour pouvoir les reproduire et les diffuser, c’est à dire les afficher sur la plateforme, donc ce pour quoi on les poste dessus a priori.

Cela ne veut pas dire pour autant qu’une fois les images postées sur ces réseaux, chaque utilisateur peut en faire ce que bon lui semble. Seule la plateforme détient les droits patrimoniaux pour son bon fonctionnement, pas les utilisateurs.

Voici donc quelques points clés pour une bonne utilisation des médias :

  • Préférez les banques d’images payantes ou gratuites pour plus de sécurité (et vérifiez bien les contrats, toutes les utilisations ne sont pas autorisées).
  • Si vous l’avez trouvée sur Google Image ou un site quelconque, recherchez la source de l’image afin de vérifier ses droits d’utilisation, si nécessaire, contactez l’éditeur du site pour demander l’autorisation à l’auteur. En cas de doute, ou si l’auteur ne vous répond pas, n’utilisez pas l’image. L’absence de contestation ne vaut pas consentement.
  • Si vous l’avez trouvée sur un réseau social, remontez jusqu’à l’auteur pour lui demander son autorisation, et négocier une cession de droits.

Passons à présent du coté des artistes.

Tout média est protégé au titre du droit d’auteur et appartient à son créateur

Il s’agit là d’une croyance qui a la vie dure même chez les artistes les plus aguerris, et qui a pour source une interprétation stricte, mais caduque de la loi. En effet, il y a certains termes dans les textes qu’il convient de ne pas ignorer et qui revêtent une importance capitale. Ici, le mot clé est « originale« . La loi parle très précisément « d’œuvres originales ». Aussi ne s’applique-t-elle pas à des œuvres « non originales ». Il faut alors comprendre ce que recouvre le terme « originalité » ; il s’agit de l’empreinte de l’artiste, de sa personnalité qui transparaît au travers de son œuvre.


S’agissant du caractère original de l’œuvre, condition sine qua non de sa protection au titre des droits d’auteur, la Cour de justice de l’Union européenne a jugé, dans son arrêt Eva Marie Painer du 1er décembre 2010, que la personnalité du photographe doit ressortir des « choix libres et créatifs » qu’il effectue lors de la réalisation de l’œuvre. Ainsi, le choix de la pose ou de l’éclairage, le choix de l’angle de prise de vue ou du cadrage lors de la prise de la photographie, ou encore le choix du lieu de shooting sont autant d’éléments traduisant l’empreinte de la personnalité du photographe, rendant ainsi l’œuvre originale.


Chloé Fernström
Avocat au Barreau de Bordeaux
www.chloe-fernstrom.com

https://www.village-justice.com/articles/copyright-des-photographes-droit-image-des-bloggeurs-dans-cadre-fashion-week,26012.html

Pour comprendre cette notion d’originalité, il est préférable de se pencher sur les jurisprudences qui seront plus explicites que les articles de loi. Pour faire court, c’est le juge qui déterminera selon un certain nombre de critères si l’œuvre est originale ou non. C’est à dire qu’une même œuvre peut être définie comme originale ou non selon le juge, mais aussi selon la façon dont l’artiste aura choisi de se défendre. Plus précisément, l’artiste devra prouver que son œuvre est bien originale. Pour cela, il va devoir expliquer ses différents choix tout au long de la création qui prouveront que l’œuvre porte bien la trace de sa personnalité. Le juge se basera cependant sur des aspects techniques, car rappelons-le, le mérite n’entre pas en ligne de compte. Aussi, l’artiste devra démontrer qu’à travers le cadrage, les couleurs, les formes, les lumières, etc, il a fait des choix artistiques qui lui sont propres. Plusieurs jugements ont donné tort à des artistes car ils n’avaient pas su démontrer cette originalité.

Il est donc important de comprendre que le simple fait de prendre une photo, faire un dessin, n’est pas suffisant pour qu’ils soient protégés par le droits d’auteur. C’est à dire qu’une photo qui n’aurait pas l’empreinte de son auteur ne peut pas être protégée, elle peut donc être utilisée par n’importe qui sans mention comme bon lui semble comme le démontre par exemple l’arrêt du TGI de Paris du 21 mai 2015 avec la photo de Jimi Hendrix prise par Gered Mankowitz.

Les juges ont estimé qu’une célèbre photographie de Jimi Hendrix par le photographe Gered Mankowitz ne pouvait être protégée par le droit d’auteur faute pour celui-ci de prouver son originalité en détaillant ses choix techniques.


Louis Lefebvre,
Avocat
https://www.village-justice.com/articles/Photographie-droit-auteur-Oscar,20343.html

Soyons clair, utiliser une photo ou un dessin d’un créateur sans son consentement ni mention, parce qu’on estime que l’œuvre n’est pas originale, me semble très risqué et irrespectueux. Si vous souhaitez utiliser l’œuvre, c’est qu’a priori vous lui trouvez un intérêt, il est donc normal de respecter l’auteur en lui demandant son accord et en le créditant.

Cependant, il me semble important que les créateurs comprennent bien cette notion d’originalité indispensable à la protection des œuvres afin de ne pas aller au devant de déconvenues en pensant être dans leur bon droit. Personnellement, je pense qu’en se défendant correctement, on doit être en mesure de prouver l’originalité dans pratiquement n’importe quelle œuvre, encore faut-il avoir un bon avocat spécialisé dans ce genre d’affaire afin d’être bien conseillé.

Conclusion

Du coté utilisateur, il faut toujours partir du principe qu’une œuvre est protégée et ne l’utiliser que lorsqu’on a obtenu la cession de droit de la part de l’auteur (attention, une cession de droit valide requiert un nombre de critères spécifiques).

Du coté créateur, ne vous emballez pas trop vite en menace de procès, car d’une part, ça coûte cher (c’est moche, mais c’est une réalité) et d’autre part, si vous êtes mal préparés, vous risquez de perdre, ce qui serait dommage alors que vous avez sans doute raison.