Les webinaires sont décidément trop courts – surtout quand nous les réduisons de moitié d’un cycle Learning Sphere experience à l’autre ! Quelques questions sont donc restées en suspens à la fin de la webconférence sur l’organisation apprenante. La première que je souhaiterais évoquer est la suivante : « Comment convaincre une organisation d’aller vers l’apprenance au niveau stratégique ? »
Si vous êtes en charge d’un service ou d’une business unit, nul besoin d’attendre que votre entreprise ou votre établissement passe en mode organisation apprenante dans son ensemble : vous avez le pouvoir de changer les modes de fonctionnement au sein de votre département.
L’affaire se corse un peu si vous ne disposez pas d’une autorité managériale suffisante pour agir. Dans ce cas-là, comment faire ?

Un impératif : des leaders moteurs

On n’a jamais vu de transformation organisationnelle qui ne soit initiée, valorisée et accompagnée par un des leaders de l’entreprise (je ne vous ferai pas l’injure de préciser à chaque fois que ce qui est vrai dans le cas du privé l’est aussi dans celui du public : quand j’écris « entreprise », c’est donc « organisation privée et/ou publique » qu’il faut entendre).
C’est en tout cas ce qu’affirment un Jean-François Zobrist ou un Isaac Getz et on voudrait penser qu’ils sont bien placés pour le savoir, même si l’hypothèse inverse peut être envisagée, comme le fait le philosophe Éric Lemaire.
Si vous n’avez pas l’oreille desdits leaders, il vous sera certainement très difficile de leur faire reconnaître les bienfaits de cette approche. Mais si jamais vous avez la chance d’échanger plus ou moins régulièrement avec eux, alors je vous propose plusieurs options.

Repérer les bénéfices de l’apprenance en interne

Même si votre organisation n’a pas élu l’apprenance au rang de valeur partagée, même si peu de managers ont instauré des modes de fonctionnement qui invitent à développer ses compétences au quotidien, je suis persuadé que vous pouvez trouver dans tel ou tel département des pratiques qui relèvent de cet engagement.
En les identifiant, en racontant ce qu’elles ont apporté à ceux qui en ont bénéficié et continuent d’en bénéficier au quotidien (miser sur le pouvoir d’une bonne histoire ne crée jamais de tort) et en imaginant ce qui pourrait en résulter si vous les amplifiiez, vous semez la graine de l’intérêt.

Chercher l’apprenance chez les autres

Que connaissez-vous de vos concurrents ? De leur histoire, de leur évolution, de leurs difficultés et de leurs réussites ? Les plus audacieux n’ont-ils pas eu, à un moment ou un autre, des pratiques apprenantes dûment référencées dans leur arsenal ?
– Dans le secteur de l’automobile, Toyota fait depuis longtemps figure de leader en la matière, et le lean management prôné par l’entreprise japonaise, qui n’est rien d’autre qu’un système d’apprentissage couplé à une série de parti-pris stratégiques, est loin d’avoir dit son dernier mot
– Dans le secteur des médias, Netflix est un exemple dont on peut tirer de nombreux enseignements, ne serait-ce qu’en terme de culture
– Dans le secteur numérique, l’organisation matricielle de Spotify a été maintes fois copiées
– Etc.
Montrer les réussites de vos concurrents est une façon pour vous non de donner envie aux leaders de votre entreprise de les imiter mais plutôt d’illustrer l’impact de l’apprenance d’exemples suffisamment concrets et proches de votre quotidien pour être convaincants.
Cela dit, rien ne vous empêche d’ouvrir plus largement le spectre de vos recherches en conviant les leaders à des conférences où ils pourront aller à la rencontre de personnes tantôt proches de leurs préoccupations, tantôt suffisamment éloignées pour faire évoluer leurs modèles mentaux. Plus simplement, vous pouvez les alimenter en articles et vidéos inspirantes dont vous discuterez ensuite ensemble.

Révéler aux leaders l’impact que l’apprenance a eu sur eux

Êtes-vous assez proche des leaders de votre entreprise pour connaître leur parcours ? Pour savoir par quels hauts et quels bas ils sont passés, comment ils ont rebondi et comment ils ont progressé ? Si vous n’en avez aucune idée, que risquez-vous à les interroger ? Parlez de nous-mêmes n’est-il pas notre pente naturelle (et, avouons-le, un de nos plaisirs les moins refoulés) ? Qui a jamais refusé de se révéler un peu face à une personne sincèrement intéressée ?
Toutefois, ceux d’entre vous qui sont familiers avec la « fenêtre de Johari » savent que nous avons tous une zone aveugle, facette de notre personnalité que les autres connaissent mais qui ne nous est pas accessible au premier abord.
Il peut ainsi s’avérer très fructueux d’aider les leaders à percevoir ce qui pour eux est d’une telle évidence qu’il ne le voit plus : comment ils en sont arrivés là où ils sont, comment ils ont appris ce qu’ils savent et ce que ça leur a apporté au fil de leurs expériences. Pourquoi le développement des compétences qui a été si efficace pour eux ne le serait-il pas pour leurs collaborateurs ?

Présenter des arguments personnalisés

Vous avez identifié des exemples en interne ou en externe, vous en avez même trouvé dans la carrière des leaders eux-mêmes, êtes-vous sûr pour autant qu’ils auront l’impact espéré ? Pour cela, il ne faut pas tant vous fier à ce qui vous a convaincu vous qu’au style de communication susceptible d’emporter l’adhésion desdits leaders. Préfèrent-ils être touchés par des histoires ? Ont-ils besoin de rencontrer directement les personnes concernées ? Se sentent-ils rassurés face à une analyse claire et rationnelle de la situation ? Sont-ils plus enclins à se projeter dans l’avenir qu’à consolider les fondations du présent ? Mieux vous connaîtrez leur style de communication dominant et mieux vous isolerez les arguments susceptibles de faire mouche.

Imaginez maintenant que vous ayez réussi à persuader les leaders de votre entreprise des effets positifs de l’organisation apprenante, votre mission serait-elle achevée pour autant ? Il y a de fortes chances que ça ne soit pas le cas. Il faudra encore les aider à définir leur rôle dans sa mise en place. Et comment, ensemble, vous allez embarquer tous les autres collaborateurs. Ce qui n’est pas une mince affaire… et vaudra bien un autre billet.