Des formats et des modalités plus variés, mieux adaptés à l’apprenant et à son contexte, plus accessibles et plus ouverts, pour des gains d’efficacité et de performance, voilà en quelques mots la promesse de la transformation digitale en formation. Mais il n’est pas besoin de suivre une campagne politique pour savoir que le fossé entre promesse et réalité peut être large. Alors, qu’en est-il dans les faits ? Comment digitalise-t-on la formation dans les entreprises qui ont saisi le sujet à bras-le-corps ?

Plus d’échanges plus vite

Prenons l’exemple d’un grand groupe français qui vient de déployer un nouvel ERP à l’attention de ces milliers de comptables et contrôleurs de gestion. Comment la digitalisation a-t-elle influé sur leur activité ?
Jusqu’à récemment, elle était à la fois très encadrée et très séquencée. Chaque comptable ou chaque contrôleur travaillait plus ou moins dans son coin et les irrégularités n’étaient soulevées qu’en fin de chaîne, une fois la clôture passée.
Aujourd’hui, l’ERP décloisonne leurs pratiques : à la moindre interrogation, ils peuvent ouvrir une discussion via un réseau social intégré et solliciter un collègue ou un manager ; si des discussions sur le sujet qui les préoccupe sont déjà ouvertes, ils peuvent les rejoindre et bénéficier à leur tour des apports du groupe ; ils peuvent également y convier toute personne utile, comme par exemple l’acheteur du produit dont la facture leur semble douteuse.
Comptabilite digitalisationAu final, les erreurs sont remontées plus tôt et les problèmes sont résolus plus vite grâce à cet éventail d’échanges informels. La dimension sociale, essentielle dans l’apprentissage et aujourd’hui intégrée directement dans les applications professionnelles, est donc, on le voit, un des apports majeurs de cette transformation digitale qui touche tous les secteurs de l’entreprise.

De la motivation à la pratique

Cela dit, il ne suffit pas de proposer des fonctionnalités sociales, encore faut-il convaincre comptables et contrôleurs de gestion de changer des habitudes bien ancrées. La formation digitale peut-elle les aider à se convertir aux bienfaits de l’apprentissage informel ?
Il aurait été possible bien sûr de réunir des milliers d’apprenants dans des salles impersonnelles puis de mettre en place une hot line dédiée. Qui dit « possible » cependant ne dit pas « souhaitable ». En lieu et place des formations en salle, il a été décidé de privilégier la diffusion de parcours sur le LMS local.
Ils sont adaptés aux différents profils et sont composés de quatre modalités : des vidéos dessinées qui, sur un mode décalé, exposent les mérites des nouvelles solutions, de très brefs serious games où l’apprenant peut découvrir les effets des pratiques décloisonnées comparées à l’approche traditionnelle, des quiz d’évaluation et enfin des classes virtuelles où des formateurs présentent la nouvelle approche, décortiquent les fonctionnalités de l’ERP et répondent aux questions qui émergent.
Pour la phase de support opérationnel, plutôt qu’une hot line ou un pool d’experts, il a été décidé de fournir des tutoriels centrés sur l’utilisation de l’ERP afin de permettre à l’utilisateur de trouver rapidement la solution en cas de blocage.

Données et évaluation

Mais la transformation digitale ne s’arrête pas aux outils, elle intègre également l’extraction-exploitation des données – et c’est cette opportunité qui a permis de façonner les parcours évoqués ci-dessus.
Car avant même de réfléchir aux modalités et aux formats, c’est au changement de comportement des collaborateurs qu’il a fallu s’intéresser. Comment savoir que le transfert (pour reprendre la terminologie de l’évaluation selon Kirkpatrick) était en cours ? Hier, il aurait fallu sonder individuellement les managers sur les progrès de leurs collaborateurs. Approximation et lourdeur du procédé auraient été de la partie. Aujourd’hui, chaque comportement attendu est relié à une typologie de données (issues des logs de l’ERP) dont l’analyse permet de suivre les évolutions des apprenants.
Et plutôt que de laisser ces indicateurs à la connaissance des seuls managers, il a été choisi de les communiquer à tous les apprenants via une newsletter où les équipes qui ont adopté le plus vite ces nouvelles pratiques sont mises en avant.

L’impact du digital

Le déploiement de ces parcours s’est fait en plusieurs temps, des demandes complémentaires émergeant au vu de son impact. L’approche métier (plutôt qu’outil) décalée et flexible (contenus de courte durée accessibles via mobile) a en effet séduit des collaborateurs qui ne se trouvaient pas dans la cible initiale, leur permettant de mieux percevoir les changements induits par le nouvel ERP.
Moins personnalisé qu’un accompagnement individuel mais plus diversifié et plus souple qu’une formation présentielle, davantage centré sur les résultats que sur les process, n’évacuant pas l’interaction humaine, ce type de programme est amené à se multiplier dans des groupes de moindre importance tant sa géométrie peut varier.
Il gagnerait à impliquer plus en amont les utilisateurs voire à leur donner les moyens de concevoir eux-mêmes des éléments du programme : la digitalisation facilite cette appropriation, les entreprises auraient tort de ne pas en profiter.