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[ Innovation & numérique – 2/2 : les acteurs ] est lisible sur :
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Cet article présente les dispositions de la réforme de la FCP avec un zoom sur les dispositions concernant la FOAD, ainsi que ces enjeux sociaux, en particulier vers les adultes les moins qualifiés. Un deuxième article se focalisera sur les enjeux au niveau des entreprises et des formateurs-consultants.

Comme l’année 1971 avec les lois Delors, l’année 2014 restera, pour les acteurs de la formation, professionnelle, une année clé marquant une forte évolution de l’organisation des dispositifs de la formation des adultes. Cette évolution résulte d’un compromis issu d’une négociation entre partenaires sociaux et puissances publiques. Elle commence à peine à se mettre en œuvre sur deux terrains ; celui des entreprises (de très grandes aux TPE) d’un côté avec l’appui des OPCA, et celui des dispositifs réglementés (jeunes, demandeurs, d’emploi, personnes handicapées, etc…) de l’autre, avec le pilotage des Conseils Régionaux. Si la loi a été promulguée en mars 2014, avec au fil de l’eau la publication des principaux décrets associés (CPF, CEP, S2CP,  etc…), on prend aujourd’hui connaissance de celui sur la «qualité», tout juste paru le 30 juin 2015 ! L’Etat a souhaité engager cette réforme pour deux raisons fondamentales :
– la logique de rééquilibrage vers les personnes les plus faiblement qualifiés est la première raison qui a poussé le gouvernement à légiférer. La volonté des pouvoirs publics (Etat et régions), relayée par les partenaires sociaux, est de favoriser, dans l’intérêt général, un accès réellement ouvert, tout au long de la vie, aux salariés et aux demandeurs d’emplois, les plus fragiles. Plusieurs outils portés par la réforme sont ici mobilisés : le Socle des Connaissances et des Compétences Professionnelles(1), le Compte Personnel Formation, le Conseil en Evolution Professionnelle (CEF) avec les cinq réseaux concernés(2), les actions d’accompagnement de la Validation des Acquis de l’Expérience (VAE) ;

– la logique de rénovation de l’offre pour que les actions de formation ne soient plus conditionnées d’abord par des règles administratives, mais bel et bien, par des intentions pédagogiques innovantes qui permettent le déploiement d’ingénieries plus ouvertes, intégrant, quand c’est utile, la distance aux profits des apprenants de plus en plus connectés (pour certains d’entres-eux, en tout cas).
Nous pouvons être dubitatifs, critiques, voir inquiets sur la partie liée à l’organisation administrative et financière. Ces frottements ont, et auront, des impacts  économiques et sociaux forts. La réforme est systémique, dynamique et toujours problématique, car complexe. Nous sommes, aussi et en même temps, lucides sur les avancées qu’elle offre en terme d’innovation, non pas technologique, mais bel et bien, pédagogique(3).

L’innovation avec le décret sur la FOAD, portée par le numérique

De tous les décrets déjà publiés, celui sur les Formations Ouvertes et à Distance (ou FOAD) daté d’août 2014(4) est très certainement celui qui offre de réelles perspectives d’innovation en formation. Au cours des XIIèmes rencontres nationales du FFFOD à Poitiers en janvier 2015, Jacques Bahry, a proclamé dans sa conclusion, «2015, l’an 1 de la FOAD !». Il soulignait ainsi le travail de lobbying du FFFOD depuis 1995 qui a permis de lever les barrières pour qu’un adulte puisse, aujourd‘hui en France, apprendre formellement, sans la présence continue de son formateur !

La loi du 5 mars 2014 dispose que l’action de formation continue peut se réaliser en tout ou partie à distance, le cas échéant en dehors de la présence des personnes chargées de l’encadrement.
1 – La formation peut être séquentielle (c’est-à-dire discontinue)
2 – La formation peut s’effectuer en tout, ou partie, à distance.

Le programme devra préciser :

•    les objectifs pédagogiques et opérationnels ;
•    la nature des travaux ou des productions demandés et le temps forfaitaire estimé (en fonction des pré-requis selon l’individualisation recherchée) ;
•    les modalités de suivi et d’évaluation spécifiques ;
•    Le niveau de connaissances préalables requis pour suivre la formation (nouvelle mention obligatoire)
•    et les moyens humains et techniques d’organisation, d’accompagnement ou d’assistance en présence et à distance (profil des tuteurs ou accompagnateurs).

La justification de l’action sera portée par :

–    une attestation de réalisation des travaux programmés et non plus «feuille de présence» (de la suspicion  à la confiance avec contrôle possible)
–    les informations concernant le suivi de l’action (du tracking vers le reporting collaboratif) et les évaluations spécifiques organisées (de sommative à régulative).

Le numérique pour organiser et animer la multimodalité

Les pédagogies actives, collaboratives, basées sur l’autoformation accompagnée avec des ingénieries tutorales distantes adaptées, par exemple, n’ont pas, n’ont plus à justifier de la «présence» de l’apprenant, mais de son «assiduité». C’est peut-être du côté du «Plan de formation» que l’on peut s’attendre rapidement à la fois à de l’innovation pédagogique(5) et à une ouverture vers les adultes peu qualifiés, mais, aussi et surtout, les actions FOAD (ou multimodales), plus souples répondant mieux aux besoins spécifiques des adultes peu qualifiés, dont les personnes en situation d’illettrisme, salariées ou non. Ces publics seront-ils en mesure d’exercer tous leurs droits, passant en particulier par l’ouverture et la gestion en ligne(6) de leur CPF ?

La FOAD est valorisée par la réforme ! La mise en place des actions de type FOAD, dans ce nouveau cadre légal, n’est possible qu’en mobilisant adéquatement les outils et les ressources numériques. Le numérique y contribue à la fois comme objet d’apprentissage, comme vecteur et supports d’apprentissage, comme outils de production et enfin, comme espace d’interaction(7) (synchrone et asynchrone). Il est au service de la multimodalité (présentiel & distanciel), au service de la diversité (pédagogie transmissive et collaborative), au service de l’activité (individuel et collective) où l’apprenant est perçu aussi comme un producteur de connaissances, et enfin, au service de la porosité positive (entre apprentissage formel et informel). La somme de ces situations permet d’alterner pour des parcours : FOAD des «Lieux de formation» et des dynamiques «Espaces-temps» avec plus de souplesse, au profit des apprenants.

Des enjeux à la fois culturels, territoriaux et socio-économiques

Former au plus près des besoins, de manière flexible et individualisée, en favorisant un accompagnement «sur mesure», quelle que soit la distance entre le formateur et l’apprenant, en intégrant les phases d’isolement, tant géographique que relationnelle, tout cela repose sur une maitrise partagée d’une culture et d’une pratique du numérique. Selon les résultats d’une étude internationale réalisée par l’OCDE en 2013 dans 27 pays développés (étude PIAAC d’octobre 2013), la France se classe parmi les derniers pays étudiés pour les compétences en « Littératie et en Numératie, y compris numériques »(8) (21,6 % des adultes en grande difficulté en France contre 15,5 % en moyenne dans l’OCDE). Quelques données chiffrées illustrent cette situation :
– 1,7 million de jeunes NEET (Sans emploi, ni formation, ni éducation), 200 000 jeunes rejoignant, tous les ans, cette cohorte de personnes sans véritable avenir économique ou social assuré ;
– 2,2 millions de chômeurs de longue durée, dont une proportion importante de seniors qui n’ont jamais été formés ou qui souffrent d’énormes lacunes de compétences de base ;
– et 3 millions encore de travailleurs du secteur privé maîtrisant eux aussi mal les compétences de base (22 % des 15 millions de salariés du privé).

De notre point de vue, l’enjeu du développement des actions de type FOAD, en termes de cohésion sociale et de compétitivité, est donc massif et nécessite la mobilisation de tous les acteurs concernés par la formation en France, OPCA en premières lignes.

Dominique Gros & Jean Vanderspelden
FFFOD (www.fffod.fr) & Learning Sphere (www.learningsphere.com)

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(1) Socle des Connaissances et des Compétences Professionnelles avec des actions de formation ouvertes qui seront certifiantes pour les adultes faiblement qualifiés.
http://www.fpspp.org/portail/resource/filecenter/document/042-00001i-07m/140528-referentiel-socle.pdf

(2) Conseil en Evolution Professionnelle avec l’appui des Missions Locales, Pôle Emploi, Cap Emploi, l’APEC, le réseau des FONGECIF, plus les organismes désignés par les Conseils Régionaux.

(3) Voir l’article de S. Enlart «On a tendance à confondre innovation technologique et innovation pédagogique» – http://www.cci.fr/web/performance-et-innovation/interview/-/asset_publisher/26wQ/content/nterview-:-sandra-enlart-on-a-tendance-a-confondre-innovation-technologique-et-innovation-pedagogique

(4) Voir le décret n°2014-935 du 20 août 2014 relatif aux formations ouvertes ou à distance sur le site du Ministère du Travail, de l’Emploi, de la Formation Professionnelle et du Dialogue Social : http://travail-emploi.gouv.fr/textes-et-circulaires,1651/annee-2014,2223/decrets,2459/decret-no-2014-935-du-20-aout-2014,17971.html

(5) http://blog.francetvinfo.fr/l-instit-humeurs/2015/01/04/les-10-innovations-pedagogiques-qui-feront-peut-etre-2015.html : Apprentissage social massif en ligne, le design pédagogique, la pédagogie inversée, AVEC (Apportez Vos Equipements Connectés) ou BYOD, apprendre à apprendre, évaluation dynamique, l’apprentissage événementiel, apprendre par narration, les concepts clés et le bricolage !

(6) Activation sur le site http://www.moncompteformation.gouv.fr/ à partir de son numéro de sécurité sociale comme identifiant unique. Ce site national a été mis à disposition de tous (sauf les fonctionnaires) par la Caisse des Dépôts le 1er janvier 2015. La notice portant les conditions d’utilisation de cet outil en ligne, que nous devons tous lire avant d’ouvrir notre compte, compte … 19 pages ! Quid pour les 2.5 millions de personnes en situation d’illettrisme en France en 2015 ? Quid aussi du développement de la littératie numérique pour tous ? Paradoxe !

(7) Voir tuto en ligne «Intégration du numérique en formation» : https://www.youtube.com/watch?v=2s91So97cYo

(8) Voir site du Collectif Numérique et Apprentissage des Adultes : http://www.cn2a.fr