Depuis une douzaine d’années, j’ai progressivement conceptualisé et formalisé l’ingénierie tutorale. Ce travail de réflexion est le résultat de plusieurs processus conjoints. D’une part, mes interventions de conseil auprès d’organisations porteuses de projet e-learning, d’autre part, mes enseignements universitaires à l’UVSQ, Rennes 1 et Toulouse Le Mirail (388 étudiants formés à la conception des services tutoraux) et mes actions de formation relatives à tel ou tel autre aspect de l’ingénierie tutorale (plus d’un millier d’apprenants). A cela s’ajoute, les différents séminaires, colloques et conférences réalisés sur le sujet, les échanges avec de nombreux collègues, l’activité au sein de t@d. Plusieurs dates constituent des témoins de l’évolution de ma pensée : en 2003 la typologie des plans de supports à l’apprentissage, en 2010 mes propositions pour l’ingénierie tutorale, en 2012 le croisement des fonctions tutorales et des plans de supports à l’apprentissage, en 2014 la formalisation du processus d’audit de la performance tutorale et les méthodes de priorisation des besoins de soutien des apprenants. En 2015, les indices de gravité et de probabilité pour une étude de criticité appliquée à l’ingénierie tutorale.

Selon ma définition de 2010, « l’ingénierie tutorale rassemble les différentes actions qui peuvent être menées lors de la phase de conception d’une formation à distance ou d’une formation hybride pour penser et dimensionner les services tutoraux qui seront offerts aux apprenants ». (1) Ces actions sont rassemblées en trois livrables, i) le système tutoral qui vise à identifier les besoins de soutien des apprenants, à les prioriser et à définir les profils de tuteurs, ii) le scénario tutoral qui permet de concevoir, de positionner et de quantifier les interventions tutorales, de préciser les outils qui seront utilisés pour les réaliser et de rédiger la charte tutorale, iii) le plan de diffusion qui organise la formation des tuteurs et de leurs communautés de pratiques, l’élaboration d’outils de suivi de la relation tutorale et la définition du modèle économique du dispositif tutoral.

Si dès 2010, la notion d’évaluation n’est pas absente de mon propos (« L’ingénierie tutorale relève plus d’un processus – pro au sens de « vers l’avant » et de cessus aller, marcher – d’actions à enclencher pour améliorer la qualité du tutorat et produire un système tutoral opérationnel ») c’est au fil de mes interventions de terrain que le recours à l’audit s’est davantage formalisé et traduit par un dispositif d’Audit de la Performance Tutorale, APT’. (2)

Le travail sur le terrain m’indique que si la conceptualisation est précieuse, la mise en oeuvre de l’ensemble des actions d’ingénierie tutorale n’est pas systématique. En effet, en fonction du contexte, du temps disponible, des budgets consentis, ce ne sont que quelques actions préconisées par l’ingénierie tutorale qui sont effectivement réalisées. Par exemple, un dispositif de formation existant dont les résultats en terme de persévérance des apprenants sont faibles nécessite tout d’abord la réalisation d’un audit de performance tutorale suivi d’actions de ré-ingénierie du scénario tutoral puis d’une mise à niveau des compétences des tuteurs. Autre exemple, la diffusion prochaine d’une formation en ligne amène son institution à se poser (tardivement), la question de la constitution d’une équipe de tuteurs. Ainsi ce sont les actions de formation et de constitution d’une communauté de pratiques des tuteurs qui sont le point de départ de l’ingénierie tutorale. Dernier exemple, une organisation souhaite calculer le ROI de sa pratique tutorale. Cela passe par une identification précise des coûts du tutorat et celle des gains que sa mise en oeuvre à permis de réaliser. C’est le modèle économique qui est ainsi le point de départ d’une action plus large d’ingénierie tutorale.

Il apparaît donc que l’approche théorique que j’ai proposée en 2010 (ci-dessous l’ingénierie tutorale déductive) n’est pas le seul type d’ingénierie tutorale mis en place sur le terrain. D’un point de vue conceptuel mais également opérationnel, il est nécessaire d’adjoindre à la production des livrables la réalisation d’un audit permettant d’engager l’institution dans un processus d’évaluation et d’amélioration continu de son dispositif tutoral.

Afin d’y voir un peu plus clair, je propose ci-dessous une typologie des différentes ingénieries tutorales en fonction de la production effective ou non des trois livrables et de l’audit de performance tutorale.

Types

Les 4 types de niveau basique

theorique

conceptuelle

pragmatique

empirique

Les 4 types de niveau intermédiaire

strategique2

tactique2

déductive

inductive

Le type de niveau élevé

optimale2

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(1) Rodet, Jacques (2010) Propositions pour l’ingénierie tutorale
http://jacques.rodet.free.fr/tutoral7.pdf

(2) APT’ Audit de Performance Tutorale
http://www.jrodet.fr/APT/index.htm