Loading
  • 06.07.10.54.70
  • contact@learning-sphere.com
  • France

Étiquette : Conception

2 posts

Concepteurs : produisez moins, formez mieux

La production de modules e-learning est chronophage. Mais un parcours de formation ne s’arrête pas à la production. Il se pourrait même que cette phase, aussi longue soit-elle, se révèle la moins importante de votre travail de conception.

Une question d’organisation

Comme une multitude d’autres activités, concevoir un parcours de formation à distance se décompose en trois temps : la préparation, la réalisation et le suivi. D’expérience, vous savez le temps que prend la phase de réalisation : échanges avec les experts métiers, rédaction d’un synopsis, réalisation d’un storyboard, production du module avec un outil auteur, enregistrement des vidéos et des voix, sans compter les nombreux allers-retours entre vous et le chef de projet et ces corrections de dernière minute qui sont rarement les plus rapides. Sachant cela, vous avez donc tendance à consacrer beaucoup moins de temps à la phase de préparation amont et au suivi en aval.
Cette façon de fonctionner a au moins un avantage : n’ayant aucun retour sur l’efficacité des modules que vous avez réalisés, vous ne risquez pas de vous sentir concerné(e) si la formation n’atteint pas son but. Mais avouez que, sur le plan intellectuel – et un peu aussi sur le plan moral – ce n’est guère satisfaisant.

Comment gagner du temps

Article08_Hamac1Nous avons tous, un jour ou l’autre, dressé ce constat. Et tous, nous avons ensuite pensé : « Travailler davantage la préparation et le suivi, c’est consacrer plus de temps à chaque formation. Et ce temps, je ne l’ai pas. »
C’est exact : ce temps, vous ne l’avez pas. Alors ne le prenez pas. Prenez le temps là où il est. Autrement dit, sur la phase de réalisation.

Ce qui se fait avant se voit après

Une partie du temps que vous allez « voler » à la phase de réalisation, vous allez le consacrer à la préparation de votre formation. Mais qu’allez-vous faire exactement ?
D’une part, vous allez vous intéresser de plus près aux futurs apprenants. Qui sont-ils ? Comment travaillent-ils ? Quelles relations entretiennent-ils ? Que savent-ils déjà ? Quelle familiarité ont-ils avec les outils numériques ? Autant de questions qui peuvent changer la façon dont vous concevrez leur parcours. Ainsi, s’ils s’avèrent que vos apprenants lisent très peu dans leur travail, vous allez opter pour des visuels et de la voix plutôt que du texte.
D’autre part, vous allez aider les commanditaires de la formation (ou les managers des apprenants) à définir les indicateurs de réussite de ladite formation. Mais ne vous contentez pas d’un score à un quiz de validation. Demandez-leur comment ils pourront s’assurer que, dans leur métier, au quotidien, les apprenants mettent bien en pratique ce qu’ils ont appris. Établissez avec eux des indicateurs. Suivent-ils par exemple une formation logicielle ? Mesurez alors leur productivité sur l’application avant et après la formation et invitez les managers à s’intéresser à leur courbe d’évolution.

Ce qui se fait après vaut plus que ce qui se fait pendant

Vous avez de la chance : tous vos apprenants ont terminé leur formation, bravo ! Mais d’après vous, d’ici 24 heures, qu’auront-ils retenu ? Depuis les expériences d’Hermann Ebbinghaus au XIXe siècle, on sait qu’ils auront oublié 70 % de ce qu’ils auront vu. Et ce, quel que soit leur niveau et quelle que soit la qualité de la formation.
Que doit-on en conclure ? Que toutes les heures que vous avez passées à réaliser les modules e-learning les plus percutants l’ont été en vain. N’est-ce pas terriblement frustrant ?
Comment faire pour éviter cela ? Référons-nous aux travaux sur la mémoire de nombreux cogniticiens. Ils montrent l’impact des tests sur la rétention d’information. Plus l’apprenant passe de tests, autrement dit plus il réactive les informations qu’il a enregistrées à un moment donné dans son cerveau, mieux il retient. Vous pouvez l’aider à les réactiver durant la formation et c’est alors à sa mémoire à court terme qu’il fera appel. Mieux encore, vous pouvez le relancer un ou deux jours après la formation, pour assurer la consolidation à long terme des savoirs acquis.
Faites ce pari gagnant : moins de temps sur la production et plus de temps sur les rappels post-formations – vos apprenants vous en remercieront !

Les mécanismes de l’apprentissage

C’est une lapalissade trop souvent oubliée : seul l’apprenant apprend. Trop souvent oubliée car, au moment de réfléchir à un projet e-learning, lorsqu’on se pose pour bâtir le parcours pédagogique de l’apprenant, qui se demande encore comment celui-ci apprend ?
Les cogniticiens ont identifié quatre grands piliers de l’apprentissage. À la suite de leurs travaux, je vous propose quelques enseignements et pistes à explorer pour vos modules e-learning.

Prenez vos apprenants par la main

Pour les cogniticiens, l’attention est le premier pilier de l’apprentissage. Derrière elle se cache le mécanisme qui nous permet d’identifier l’information pertinente et de décider de son traitement. Elle se décompose en trois temps :
–    Premier temps : un système d’alerte. Notre attention nous dit : « Voilà quelque chose qui pourrait m’intéresser ». Les modules qui commencent par énoncer un paradoxe ou par raconter une histoire, qui bousculent donc nos acquis ou font appel à nos émotions, sont de nature à déclencher ce système d’alerte chez l’apprenant ;
–    Deuxième temps : un système d’orientation. Notre attention nous fait tourner le regard vers ce qui l’a éveillé et nous incite à nous mobiliser ;
–    Troisième temps : le contrôle exécutif. C’est lui qui nous permet de nous focaliser sur l’important et de chasser d’éventuels « bruits » qui viendraient perturber notre compréhension. Pour y parvenir, notre cerveau a besoin d’être guidé. Un peu comme si vous étiez au milieu d’une jungle : à suivre un sentier sans savoir où il mène, vous pourriez vite être tenté de chercher un raccourci et dévier ; avec une carte en main et la destination clairement indiquée, vous ne penserez pas à emprunter un chemin de traverse.

Testez vos apprenants en permanence

L’accent mis sur les interactivités dans les formations distancielles montre combien on a pris conscience qu’il faut agir pour apprendre. Comme le disent dans leur langage les cogniticiens, « l’exposition passive a un stimuli conduit à peu d’apprentissage » (Stanislas Dehaene). L’engagement actif est donc le second pilier de l’apprentissage.
Plus l’apprenant se met en jeu et teste son savoir, mieux il apprend. Une étude réalisée par le professeur Roedinger (université de Washington, Saint Louis) a montré que la rétention d’information était même proportionnelle au nombre de tests passés. On retient presque deux fois mieux lorsque chaque séquence d’apports est suivie d’une séquence de tests que lorsqu’on se contente de séances d’études.

Acceptez qu’ils se trompent

Mécanisme de l'apprentissageComment fonctionne notre cerveau en phase d’apprentissage ? Selon les cogniticiens, il suit un modèle prédictif. Il émet des hypothèses qu’il teste sur la réalité. Le retour d’information qu’il reçoit de son test constitue donc le troisième pilier de l’apprentissage. Il permet de valider ou modifier l’hypothèse formulée par le cerveau et donc de créer du savoir. Mais l’apprentissage ne se déclenche vraiment que si l’hypothèse s’avère fausse. On ne peut pas apprendre sans erreur.
Les quiz simplistes dont se parent de nombreux modules, sous couvert de favoriser l’activité des apprenants, peuvent donc se révéler contre-productifs. C’est en découvrant qu’il se trompe que l’apprenant va prendre conscience du savoir, savoir-faire ou savoir-être qu’il ne maîtrise pas – « Le rôle du concepteur est de créer de l’inattendu » disait le designer Kenneth Grange.
Attention cependant à l’effet néfaste de l’erreur chez les moins persévérants. Montrer les bénéfices de l’apprentissage et garantir la progression de l’apprenant restent des corollaires essentiels.

Faites-les dormir

Le dernier pilier de l’apprentissage révélé par les cogniticiens concerne la consolidation. Autrement dit cette étape qui fait passer l’information de notre cortex pré-frontal, siège de l’activité consciente et réflexive, à des réseaux neuronaux moins conscients. Comme le faisait déjà remarquer le psychologue Jean Piaget au début du siècle dernier, le savoir a besoin de s’assimiler et cette assimilation ne va pas de soi. Elle prend du temps. Pourquoi ? Entre autres parce que c’est durant la nuit qu’elle se réalise. En phase de sommeil, notre cerveau rejoue ce qu’il a vécu durant la journée et permet ainsi au savoir de mieux s’ancrer. Distribuez les temps d’apprentissage en plusieurs séquences dissociables voire sur plusieurs jours sera alors gage de meilleure réussite.