C’est une lapalissade trop souvent oubliée : seul l’apprenant apprend. Trop souvent oubliée car, au moment de réfléchir à un projet e-learning, lorsqu’on se pose pour bâtir le parcours pédagogique de l’apprenant, qui se demande encore comment celui-ci apprend ?
Les cogniticiens ont identifié quatre grands piliers de l’apprentissage. À la suite de leurs travaux, je vous propose quelques enseignements et pistes à explorer pour vos modules e-learning.
Prenez vos apprenants par la main
Pour les cogniticiens, l’attention est le premier pilier de l’apprentissage. Derrière elle se cache le mécanisme qui nous permet d’identifier l’information pertinente et de décider de son traitement. Elle se décompose en trois temps :
– Premier temps : un système d’alerte. Notre attention nous dit : « Voilà quelque chose qui pourrait m’intéresser ». Les modules qui commencent par énoncer un paradoxe ou par raconter une histoire, qui bousculent donc nos acquis ou font appel à nos émotions, sont de nature à déclencher ce système d’alerte chez l’apprenant ;
– Deuxième temps : un système d’orientation. Notre attention nous fait tourner le regard vers ce qui l’a éveillé et nous incite à nous mobiliser ;
– Troisième temps : le contrôle exécutif. C’est lui qui nous permet de nous focaliser sur l’important et de chasser d’éventuels « bruits » qui viendraient perturber notre compréhension. Pour y parvenir, notre cerveau a besoin d’être guidé. Un peu comme si vous étiez au milieu d’une jungle : à suivre un sentier sans savoir où il mène, vous pourriez vite être tenté de chercher un raccourci et dévier ; avec une carte en main et la destination clairement indiquée, vous ne penserez pas à emprunter un chemin de traverse.
Testez vos apprenants en permanence
L’accent mis sur les interactivités dans les formations distancielles montre combien on a pris conscience qu’il faut agir pour apprendre. Comme le disent dans leur langage les cogniticiens, « l’exposition passive a un stimuli conduit à peu d’apprentissage » (Stanislas Dehaene). L’engagement actif est donc le second pilier de l’apprentissage.
Plus l’apprenant se met en jeu et teste son savoir, mieux il apprend. Une étude réalisée par le professeur Roedinger (université de Washington, Saint Louis) a montré que la rétention d’information était même proportionnelle au nombre de tests passés. On retient presque deux fois mieux lorsque chaque séquence d’apports est suivie d’une séquence de tests que lorsqu’on se contente de séances d’études.
Acceptez qu’ils se trompent
Comment fonctionne notre cerveau en phase d’apprentissage ? Selon les cogniticiens, il suit un modèle prédictif. Il émet des hypothèses qu’il teste sur la réalité. Le retour d’information qu’il reçoit de son test constitue donc le troisième pilier de l’apprentissage. Il permet de valider ou modifier l’hypothèse formulée par le cerveau et donc de créer du savoir. Mais l’apprentissage ne se déclenche vraiment que si l’hypothèse s’avère fausse. On ne peut pas apprendre sans erreur.
Les quiz simplistes dont se parent de nombreux modules, sous couvert de favoriser l’activité des apprenants, peuvent donc se révéler contre-productifs. C’est en découvrant qu’il se trompe que l’apprenant va prendre conscience du savoir, savoir-faire ou savoir-être qu’il ne maîtrise pas – « Le rôle du concepteur est de créer de l’inattendu » disait le designer Kenneth Grange.
Attention cependant à l’effet néfaste de l’erreur chez les moins persévérants. Montrer les bénéfices de l’apprentissage et garantir la progression de l’apprenant restent des corollaires essentiels.
Faites-les dormir
Le dernier pilier de l’apprentissage révélé par les cogniticiens concerne la consolidation. Autrement dit cette étape qui fait passer l’information de notre cortex pré-frontal, siège de l’activité consciente et réflexive, à des réseaux neuronaux moins conscients. Comme le faisait déjà remarquer le psychologue Jean Piaget au début du siècle dernier, le savoir a besoin de s’assimiler et cette assimilation ne va pas de soi. Elle prend du temps. Pourquoi ? Entre autres parce que c’est durant la nuit qu’elle se réalise. En phase de sommeil, notre cerveau rejoue ce qu’il a vécu durant la journée et permet ainsi au savoir de mieux s’ancrer. Distribuez les temps d’apprentissage en plusieurs séquences dissociables voire sur plusieurs jours sera alors gage de meilleure réussite.